Le CE et la notion de consultation

En de nombreuses occasions les représentants du comité s’interrogent sur la portée de l’obligation de consultation à la charge de l’employeur en vertu des articles L. 432-1 et suivants du Code du travail, avec souvent la pénible impression d’avoir été abusé, si ce n’est floué.

Cette brève synthèse fait le tour de la question

 

La notion de consultation appelle tout d’abord quelques remarques : selon le Vocabulaire juridique de G. CORNU, il s’agit du « fait de solliciter d’un organisme ou d’une personne, sur une question de sa compétence ou de sa qualification, un avis que l’on n’est jamais tenu de suivre même dans le cas où l’on est obligé de provoquer cet avis »

La consultation doit donner lieu à une discussion, à un échange de point de vue et non pas à une simple information. Il appartient au chef d’entreprise de présenter (s/ entendu : expliciter, argumenter) les informations qui ont été transmises aux membres du comité. Au cours de la discussion, l’employeur doit fournir des réponses motivées aux questions du comité.

L’employeur doit éclairer au mieux par informations et arguments le comité et se mettre dans la situation de modifier éventuellement son point de vue initial par intégration des contre-arguments.

           

 

A.   Caractère préalable de l’information

 

L’information et la consultation ne doivent pas être confondues : l’information ne vaut pas consultation (Soc. 26 mars 2002, RJS 7/02, n° 859) et elle est une condition préalable.

Pas de consultation sans informations précises et fiables. Selon, l’art. L. 435-1 :

«  Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise doit disposer d'informations précises et écrites transmises par le chef d'entreprise, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée du chef d'entreprise à ses propres observations. »

Ce qui veut dire qu’en premier lieu l’information doit être « spontanée, complète et loyale » (TGI de Paris, 22 novembre 1994 ; Droit ouvrier, février 1995, page 106).

En second lieu le comité d'entreprise doit disposer d’un délai d’examen raisonnable eu égard à la nature du problème. Rigueur appréciée par la Cour de cassation dans l’arrêt SIETAM (Soc. 16 avril 1996 ; Droit social mai 1996, commentaires LYON-CAEN, page 488) : « Un trouble manifestement illicite résultait de ce que le comité n’avait pas été informé et consulté préalablement dans un délai lui permettant d’émettre un avis en connaissance de cause.. »

 

B.   Pas de consultation sans débat sérieux.

 

Pas de consultation qui ne soit effectivement préalable à la décision.

La décision du chef d’entreprise doit être précédée par la consultation du comité d’entreprise, sauf dans le cas où l’employeur use du droit qui lui est conféré par l’article L. 432-1 ter.( Art. L. 431-5, al. 1). Ce dernier article a été introduit par la loi du 18 janvier 2005 et concerne les dérogations à la consultation en cas d’OPA ou d’OPE. Lorsque la décision s’inscrit dans une procédure complexe comportant des décisions échelonnées, le comité doit être consulté à l’occasion de chacune d’elles (Soc. 2 mars 1999, Dr. Soc. 1999, 531, obs. M. Cohen (modification en cours de procédure du nombre de salariés concernés par une compression d’effectif).

 

 

La jurisprudence reconnaît au comité d'entreprise le droit de « librement s’informer » (Crim. 12 avril 1983), c'est à dire de recueillir une documentation de sa propre initiative. Cette liberté est inscrite dans les articles L. 431-5 al. 4 « pour l'exercice de ses missions, le comité d'entreprise a accès à l'information nécessaire détenue par les administrations publiques et les organismes agissant pour leur compte, conformément aux dispositions en vigueur concernant l'accès aux documents administratifs. Il peut, en outre, entreprendre les études et recherches nécessaires à sa mission. » et L. 434-1, al. 1 « enquêtes auprès du personnel ».

Diverses administrations et organismes peuvent détenir des renseignements utiles : fisc, centrale des bilans de la Banque de France, INSEE, AMF (autorité des marchés financiers), CNIL. De toutes manières, le comité doit disposer d’un délai suffisant entre le moment où il est saisi et le moment où il opine. Le recours à des experts paraît judicieux.

 

 

A.   Débat et vote

 

L’expression par le comité ne revêt pas de forme obligatoire. Il peut se dégager des débats consignés au procès-verbal ou faire l’objet d’une motion spécialement rédigée, dont le contenu peut être plus ou moins motivé. L’avis implique un vote qui l’arrête. Pour mémoire le président ne participe pas au vote lorsqu’il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel (Art. L. 434-3).

Concernant le niveau auquel doit être saisi le comité cela dépend de la question à débattre. Si elle relève des pouvoirs du chef d’établissement, ce sera le comité d’établissement. Si elle intéresse tous les établissements ce sera le comité central.

B.   Avis consultatif

L’avis du CE ne lie pas l’employeur, mais sa portée peut être accrue par sa transmission à des tiers susceptibles d’exercer une autorité ou une influence sur l’employeur : administration, assemblée générale d’actionnaires.

D’autre part le PV des réunions peut être affiché ou diffusé dans l’entreprise.

En toute hypothèse, le chef d’entreprise doit rendre compte, en la motivant, de la suite donnée aux avis et vœux émis par le comité (Art L.432-10). Aucun délai ne lui est imparti pour le faire.

 

C.   Secret professionnel et obligation de discrétion

 

Aux termes de l’art. L. 432-7 : « Les membres du comité d'entreprise et délégués syndicaux sont tenus au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication.

   En outre, les membres du comité d'entreprise et les représentants syndicaux sont tenus à une obligation de discrétion à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par le chef d'entreprise ou son représentant. »

 

La discrétion est une notion plus souple et plus relative que le secret, et si ce dernier n’a pas été imposé au comité, c’est bien qu’on a voulu lui permettre de transmettre certaines informations à certaines personnes, notamment à ses mandants.

Elle doit être appréciée en fonction du but de l’obligation qui est de protéger l’entreprise contre les dangers de la concurrence ; seules sont concernées les informations dont les concurrents pourraient tirer parti pour lui nuire (Soc. 11 octobre 1972). Sont donc exclues de cette obligation toutes les informations qui font l’objet d’une publicité de droit, notamment les informations comptables et toutes celles qui sont communiquées aux actionnaires sur lesquels aucune obligation de même type ne pèse (J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud , Droit du travail, précis Dalloz, 22ème édition 2004 page 852).

 

 

Le comité est recevable à agir en justice pour le respect de ses prérogatives économiques.

Le comité peut, en agissant par la voie de l’action civile ou par action en responsabilité devant le juge civil de droit commun, se voir allouer des dommages et intérêts compensant le préjudice résultant de la méconnaissance de ses droits.

Le délit d’entrave est constitué par la méconnaissance des prérogatives du comité dans l’ordre économique, sans que l’imprécision des textes soit une cause d’exonération. C’est par la voie pénale qu’est souvent assuré le respect des droits du comité.

 

 

Nota : entre parenthèses sont inscrites les références des jugements  (la jurisprudence). L’abréviation « Soc. » signifie que l’arrêt cité a été prononcé par la Cour de cassation, chambre sociale (celle qui a compétence dans le domaine du droit du travail) ; « Crim. » concerne toujours la Cour de cassation, mais chambre criminelle. « TGI » signifie que le jugement a été rendu par la Tribunal de grande instance.

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